Frédéric Mulatier : vannier d’Art à Chassiers – Ardèche.
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Plus de 10.000 ans que cela dure. On ne peut pas dire que la vannerie soit d’une modernité impressionnante. Pourtant, la qualité même du matériau et sa facilité à le travailler lui ont permis de traverser les siècles et les millénaires jusqu’à aujourd’hui. La vannerie fut d’une importance économique très grande, mais de nos jours, elle se raréfie surtout en raison de la lenteur et du manque de mécanisation de la fabrication et ses conséquences. Est-ce à dire que réinventer l’osier relève d’une douce utopie ? Ce serait sans compter sur la faculté de Frédéric Mulatier à faire bouger les lignes ! La vannerie, c’est une danse ou un combat ! D’entrée de jeu, le vannier donne le ton.
« Atlantide » s’inscrit dans la continuité de « Lignes de Failles »et s’appuie sur une même démarche artistique : La terre a nourri l’osier. A son tour, il devient colonne vertébrale, tuteur. Le feu les a unis, figés dans un mouvement définitif.
« Atlantide » raconte les profondeurs, les mémoires englouties. Les abysses, nos abysses ; et toujours les failles qui dessinent, qui ouvrent, qui suggèrent. La mère se reflète. Elle inscrit. Les marées, les vagues ont poli les surfaces, ont rongé aussi. Les infinis bleutés dans un univers marin, lumineux ou sombre racontent l’histoire d’un monde noyé, mangé par la mer. Seul subsiste la légende, d’autres histoires a raconter.
L’osier est resté, témoin d’une vie aujourd’hui disparue. Peut-être rêvée. Atlantide offre un défilé de nuances, d’empreintes marines. Une parcelle de mémoire océanique.
Photographie Aurélien Lambert
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Frédéric marie le meilleur des deux mondes : la danse des doigts qui tressent, façonnent, créent les formes, des plus traditionnelles aux plus travaillées. Le combat, à priori, c’est celui des éléments qui associent l’osier, la terre et le feu. A priori seulement car l’artiste a dépassé ce stade potentiellement conflictuel du travail du feu pour s’en faire un allié dans la genèse des pièces. Si la technique du raku est communément usitée par les céramistes, il faut malgré tout une bonne dose d’audace à un vannier pour bouter le feu à ses pièces. L’osier est extrêmement inflammable et le risque de ne rien retrouver de l’oeuvre soumise à des températures de plus de 700° n’est pas mince.
Dans sa démarche initiatique, Frédéric est allé aux sources de l’antériorité du tressage : l’osier a poussé dans la terre qui en est la tutrice. Après le travail délicat du tressage, l’osier sert de support physique au montage en terre, il agit comme une colonne vertébrale. L’analogie avec la jarre à la corde (voir article) est d’ailleurs patente, à la différence que le squelette qui permet le maintien de la pièce est ici intégralement intégré et conservé. La terre quant à elle agit comme une peau nourricière pour l’osier qui reprend son identité de plante. Et les rôles s’inversent à nouveau, l’osier devient le tuteur de la terre. C’est le feu qui joue le rôle de fusion des deux mondes, il scelle cette union. Il va agir comme un révélateur dont la sanction peut être sans merci. Comme aime à la rappeler l’artiste, « si j’ai commis des erreurs, le feu ne me les pardonne pas ».
C’est suite à une réorientation professionnelle après être passé par la Marine Nationale française et l’informatique en Suisse que notre hôte a laissé tout tomber pour se plonger dans les osiers, rotins, raphias et autres roseaux. A l’Ecole Nationale d’Osiériculture et de Vannerie, un an et demi durant, il apprend les fondamentaux. Discipliné et respectueux envers le matériau et les gestes ancestraux, il va néanmoins très rapidement s’écarter de la fonction purement utilitaire de la vannerie. Frédéric fera ses armes sur les classiques paniers et corbeilles mais une petite voix l’incite à vite sortir du conformisme de la profession. L’instinct prend alors le dessus sur la technique. L’important, c’est d’aller au bout du projet sans forcément savoir quel chemin emprunter. Si les lignes bougent au cours du processus de création, ce n’est que mieux.
Les lignes ? Parlons-en. L’artiste, adepte du regard élargi cher à Gauthier Louppe (voir l’article), puise son inspiration en grande partie dans la littérature et dans les mots. Dans l’atelier, on les trouve partout. Ils sont l’expression de fulgurances que Frédéric jette sur des cahiers et des affiches. Il va alors les traduire en croquis que l’intelligence de ses mains va matérialiser. Ensuite, les aléas du feu feront le reste : oxydes, combustions, scarifications et cratères de vie qu’il va laisser dans la masse feront toute l’originalité de ses pièces.
Vannier d’Art Frédéric Mulatier : le site web
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
Comment
Cher Patrice, tu as le don de transcrire en mots et images les fibres de vie de l’artisan avec qui tu as partagé votre amour de l’ouvrage bien fait.
Amitiés
Philippe