Denis Bruyère : Artistic and Precious Wood Fournitures, ébéniste d’Art.
Denis Bruyère est de la trempe des perfectionniste. Un ébéniste de formation dont la maîtrise l’a emmené loin, très loin. High End pour sa clientèle internationale. Dans l’atelier de Sassor, le maître mot c’est l’excellence. En quelques années, l’atelier spécialisé dans la restauration de meubles précieux a évolué en parallèle vers un univers créatif débridé. C’est que le maître des lieux regorge d’idées, parfois un peu folles, toujours originales. « I like your crazy furnitures! » s’est exclamée une cliente en découvrant les créations de Denis. Signe de l’ébullition permanente de son imagination, le carnet à dessins n’est jamais bien loin. Ce qui frappe dans l’atelier, c’est la sérénité. Musique classique, larges baies vitrées, calme, ici on se concentre.
LMdO : Restaurateur de meubles anciens et conservateur de patrimoine, ébéniste et sculpteur, designer et concepteur, vous ne manquez pas de qualifications …
Denis Bruyère : Le cheminement est somme toute classique. Je ne me retrouvais pas dans mes premières orientations scolaires et professionnelles et c’est le goût pour le bois qui a fini par prendre le dessus. Je suis devenu ébéniste. Des années durant, j’ai mis toute mon énergie dans la restauration de meubles anciens. Mes clients ont évolués avec mon savoir faire jusqu’à la qualité royale française. Ces objets m’ont permis de maîtriser de très nombreuses techniques et m’ont obligé à une quête perpétuelle d’informations pour le respect du travail de mes prédécesseurs. J’étais à la recherche du geste vrai qui respecte l’objet et ne l’abîme pas.
LMdO : Au delà de cela, vous avez une véritable âme d’inventeur.
DB : Effectivement, j’ai pu renouer avec la création dans les années 90, jusqu’à m’y consacrer entièrement depuis peu. De mon attrait pour le patrimoine d’hier, j’espère contribuer maintenant au patrimoine de demain. Ce sont deux approches diamétralement opposées : la restauration exige une profonde humilité, notre travail ne doit pas avoir de prise sur l’objet. Créer, c’est par contre mettre son talent au service du client. Dans le premier cas, je suis un artisan, un gardien de la tradition et dans le second, ma discipline est artistique.
LMdO : Parlez-nous de la griffe « Denis Bruyère »
DB : C’est l’excellence. Avec la maîtrise du geste et du matériau. L’atelier ne porte pas mon nom mais celui du village. Nous sommes une équipe et je tiens particulièrement à ce que mes collaborateurs s’expriment et amènent leur
contribution à la réputation de l’atelier. J’imprime le mouvement général en tant que fondateur et je définis un cadre général. Nous ne sommes pas enfermés dans les formes anciennes mais nous ne les oublions pas, au point de parfois les intégrer à nos créations. Dans mon atelier le terme de collaborateur n’est pas galvaudé. Chacun a voix au chapitre et un apprenti a droit à une oreille attentive. Si son idée est bonne ou novatrice, elle sera intégrée.
Nous sommes impérativement en dehors de la copie ou dans le style « de ». Si un client me demande un meuble art déco dans le genre de Jacques Emile Ruhlmann, je vais refuser mais par contre, si je comprends ce qu’il aime et je peux alors proposer mon interprétation de l’objet demandé. En très peu de mots, je peux donc cerner l’univers du client et m’y adapter. L’objet final sera cependant bien contemporain.
LMdO : Vous ne vous interdisez rien?
DB : La technique est au service de la création en effet. Jamais l’inverse. Une innovation technologique ne doit pas devenir prétexte à une exercice de style. Par contre, je n’ai aucun complexe à intégrer de l’informatique ou de la domotique dans mes créations. Je reste néanmoins toujours attentif à l’obsolescence potentielle de ces équipements additionnels et je fais en sorte de pouvoir intervenir sur ces parties éphémères dans le futur. J’adore la notion de mouvement et mes créations ont souvent un peu de l’esprit des automates en elles. Je n’intègre pas de micros moteurs voués à vivre et à mourir avec l’objet mais des mécanismes séparés sur lesquels ont peut intervenir en fonction des pannes et des évolutions technologiques.
LMdO : Jusqu’où allez-vous?
DB : Le terrain de jeu est large mais je ne surestime pas mes capacités. Les défis me plaisent et il m’arrive de marier le feu et l’eau. J’ai ainsi construit une mappe monde en marqueterie qui de surcroît était radio pilotée par l’horloge atomique de Francfort. Ce mécanisme en mouvement était intégré à une bilbiothèque et la bibliothèque fait partie d’un ensemble assez débridé d’une série de meubles qui garnissent un château irlandais. Il s’agit du projet le plus extravaguant de ma carrière mais je peux parfaitement m’adapter à des projets plus modestes. Sur ma table à dessin, je travaille à un avant projet d’écrin pour livre précieux avec un mécanisme d’ouverture innovant. C’est un petit objet, unique et qui reste abordable.
LMdO : Et l’avenir?
DB : Aller vers l’excellence, chaque jour un peu plus et faire de l’atelier de Sassor un courroie de transmission. Je ne suis qu’aux balbutiements du projet mais mon atelier va devenir une école pour accueillir les jeunes en quête de beau travail. Selon moi, l’artisanat est à l’aube d’une renaissance. Au 18ème siècle, les artisans étaient très respectés car ils amélioraient l’ordinaire des gens. La révolution industrielle et maintenant la mondialisation ont un peu balayé tout cela mais on sent le vent tourner. Nos contemporains retournent vers les fondamentaux des beaux gestes et des objets bien manufacturés, vers l’élégance et la délicatesse, je suis absolument convaincus que les artisans ont de beaux jours devant eux.
New Town
Un musée dans une demeure privée… De nombreuses vitrines dans une salle immense…Une ville gratte-ciel imaginaire réalisée dans les plus belles matières : bois choisis, marqueteries, sculptures, bronzes, minéraux précieux, mécanismes sophistiqués, éclairages originaux modulables…Dialogue entre ces 15 géants dont les plus grands culminent à 3m40… Tous très différents, ils expriment chacun leur lyrisme par leurs architectures et leurs décors. Sculpture monumentale, l’exécution de ce travail s’est étalée sur cinq années.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
4 Comments
Encore un reportage sur des métiers méconnus .. de moi. Je n’imaginais pas que cela existait encore! Merci Patrice
thx Eric
Je suis heureux que tu ais rencontré Denis et que tu ais encore une fois fait découvrir un talent extraordinaire caché dans un merveilleux petit coin de campagne.
Merci Patrice!
Merci Gaëtan, mais cette rencontre, je vous la dois … et elle en a généré une autre … une belle surprise « d’un souffle à l’autre », bientôt sur LMdO