L’arme à l’oeil … Stevaux – De Greift : armes de grand luxe.
Jean-Marc Stevaux fait partie de ces artisans discrets et peu médiatisés … et pourtant ! Ici encore, un seul mot est de mise pour qualifier la passion du maître des lieux, armurier de son état : l’excellence. Et pour cause. C’est que Jean-Marc a su à la fois se préparer et s’entourer. Issu de la prestigieuse école d’Armurerie Léon Mignon de Liège, il apprend le métier 13 années durant chez Lebeau-Courally. Depuis peu, c’est Baptiste qui a rejoint le petit atelier de Malonne. Ces deux là n’ont qu’une obsession : être les meilleurs. Fusils et carabines « Stevaux » versus couteaux de chasse et dagues « César » de grand luxe, bienvenue dans le monde de l’arme d’exception.
LMdO : Expliquez-nous la nature du savoir faire de l’armurier Stevaux.
Jean-Marc Stevaux : Tout cela a commencé parce que je n’étais pas taillé pour suivre un parcours scolaire classique. J’ai un peu cherché ma voie mais une fois l’école d’Armurerie intégrée, je me suis passionné pour les armes au point de savoir que j’en ferais mon métier : armurier. Un professeur m’a repéré et m’a fait rentrer chez Lebeau-Courally. Il faut dire qu’étudiant, j’avais déjà fabriqué deux armes ce qui ne s’était jamais vu.
Malgré mes prédispositions, j’avais tout à apprendre. La fabrication d’une arme de luxe nécessite la maîtrise d’une vingtaine de métiers différents. Les grandes maisons sont généralement organisées autour d’une série d’ateliers où chaque ouvrier est spécialisé dans une de ces disciplines. Quand on se retrouve seul dans son atelier, il faut pouvoir toutes les maîtriser. Ce n’est en réalité pas possible mais je contrôle 15 étapes sur les 20 nécessaires. Mes armes sont donc en partie sous-traitées mais j’en suis quand même le concepteur et le fabriquant. Seuls les métiers de canonnier, quadrilleur, trampeur, graveur, bronzeur et bien sûr le banc d’épreuve sont confiés à l’extérieur. C’est d’ailleurs de plus en plus compliqué de trouver les compétences dont nous avons impérativement besoin.
Stevaux – De Greift : armes de grand luxe
LMdO : Pourtant nous sommes à la pointe du secteur en Belgique ?
JMS : Force est de constater que l’armurerie de luxe est en position délicate. Effectivement, nous possédions un savoir faire sans commune mesure et qui gravitait autour des grandes maisons. La FN a formé des milliers d’ouvriers capables d’exceller dans tous les secteurs. Elle s’est recentrée sur son activité « défense » nettement plus industrialisée et mécanisée. Ainsi, il n’y a plus de canonnier disponible en Belgique et nous devons nous tourner vers l’Allemagne ou l’Autriche par exemple. Nous sommes inquiets de la disparition progressive des petits métiers liés à l’activité comme les quadrilleurs, ces ouvriers spécialisés dans le quadrillage gravé dans les crosses pour une meilleure préhension de l’arme.
LMdO : A vous entendre, c’est un vrai tour de force de maîtriser autant de disciplines ?
JMS : Mes 13 années chez Lebeau-Courally m’ont permis d’apprendre le métier de l’intérieur, dans une des meilleures maison au monde. Si vous êtes passionné, l’apprentissage est naturel et les passerelles existent pour approcher les différentes disciplines. Chaque armurerie développe sa division d’entretien et de maintenance des armes. C’est une expérience irremplaçable car vous observez les défauts et faiblesses récurrents des différents modèles. A force, on finit par imaginer des solutions et on a donc sa propre vision de l’arme idéale. Il suffit alors de passer du rêve à la réalité et de se lancer dans sa propre production.
Un mécanisme inédit [source www.armureriestevaux-degreift.com]
Stevaux – De Greift : armes de grand luxe
- 1. Excellente rigidité de l’ensemble bascule canons engendrée par la suppression d’éléments déforçant ces derniers ;
- 2. Verrouillages haut du greener ;
- 3. Recul interchangeable à double fonction ;
- 4. Contrôle du pinçage des crochets de canons par la bascule en son centre ;
- 5. Fond de bascule ouvert et fendu facilitant les assemblages et réajustages éventuels de saison.
LMdO : Est-ce à dire qu’une arme est d’abord un concentré de technologie et de mécanique avant d’être une ligne ou un dessin imaginé par l’armurier ?
JMS : Les quelques 200 pièces de mécanique qui forment un fusil ou une carabine conditionnent la base du design général de l’arme. On ne peut pas sortir des grandes lignes imposées par le canon et la crosse. La ligne reste néanmoins capitale s’agissant d’arme de grand luxe. Oui, mes armes ont un certain cachet, une certaine marque de fabrique reconnaissable. Bien sûr, en dehors de la ligne, le travail d’ornementation du graveur et de crossetier est primordial.
LMdO : C’est une vraie marque de confiance de laisser une tierce personne finaliser l’arme conçue par un armurier ?
JMS : Il faut savoir s’entourer. Je vous l’ai dit, il y a une raréfaction des bons artisans mais ils existent toujours. Ils transcendent un objet déjà exceptionnel par nature en une oeuvre d’art. C’est extrêmement gratifiant et cela nous permet de redécouvrir nos armes sous un jour totalement neuf. L’épreuve du banc d’essai est plus stressante. Les armes sont testées jusqu’à deux fois la charge nominale. Elles sont donc extrêmement sollicitées et c’est objectivement plus critique. : c’est aussi une épreuve nerveuse pour l’armurier qui voit son travail ainsi contrôlé.
LMdO : Après 6 années de solitude dans votre atelier, un certain Baptiste vous rejoint. Parlez-nous de cette rencontre.
JMS : J’ai beau avoir une passion dévorante pour les armes, le temps n’est malheureusement pas extensible. La durée de production d’une pièce est de l’ordre de 500 à 1000 heures de travail et j’ai matériellement peu le temps de gérer les « à côtés ». Baptiste excelle en la matière et il m’est d’un réel secours pour toute la communication autour de l’activité. Sa formation commerciale est réellement un plus dans notre organisation. En plus, il crée de véritables couteaux d’exception, la complémentarité est idéale.
Baptiste De Greift : Effectivement, nous formons la paire … Je pense que j’aurais beaucoup de mal à atteindre un degré de perfection comparable à celui de Jean-Marc. Il place la barre vraiment haut. L’apport technique est impressionnant. Je suis persuadé que son heure de gloire viendra et que ses productions seront appréciées à leur juste valeur car il est encore un peu boudé par la profession. Mes couteaux aussi sont très haut de gamme mais la difficulté de réalisation est malgré tout moins complexe que pour un fusil ou une carabine. Disons que le chasseur exigeant peut trouver chez nous une panoplie d’objets vraiment personnalisables et sans compromis, c’est notre spécificité en tant qu’armurier. Le temps ne devrait pas avoir de prise sur notre travail. Jean-Marc produit 2 à 3 armes par an et je n’ai que 16 couteaux à mon actif. L’excellence est à ce prix.
A découvrir ou redécouvrir :
- LMdO : rencontre avec Pascal Collard, monteur à bois
- LMdO : rencontre avec Alain Lovenberg, le meilleur graveur sur arme au monde
- LMdO : visite de La Maison Lebeau-Courally
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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