La ligne 44 : tram historique de Bruxelles. Un traminot atypique.
Deux étés, trois hivers. Les habitués de La ligne 44 : tram historique de Bruxelles auront peut-être régulièrement remarqué ma présence le long des voies. Par tous les temps et à toutes les heures du jour et de la nuit. C’est qu’elle se mérite la belle. La 44 est probablement la ligne la plus champêtre du réseau bruxellois. C’est la partie située entre le musée du Tram à Woluwé (1200) et le terminus de Tervuren qui a retenu toute mon attention.
Et pour cause, LMdO, c’est la passion des gens passionnés. Or, il se trouve que cette portion de ligne est utilisée par Le Musée du Transport Urbain Bruxellois pour y faire rouler un matériel historique parfois centenaire. Rencontre avec Renaud de Saint Moulin, directeur du métro la semaine et les mains dans le cambouis en tant qu’agent de maintenance le samedi pour veiller sur les machines … un traminot atypique.
LMdO : Quel est l’historique de la ligne 44 ?
Renaud de Saint Moulin : Elle a été mise en service pour l’exposition universelle de 1897 entre le cinquantenaire et la section coloniale de l’exposition à Tervuren, avec son village africain créé pour l’occasion. On est dans les premières années de la traction électrique, jusque là le tramway était hippomobile. C’est une compagnie privée qui a obtenu la concession d’exploitation de cette partie du réseau Bruxellois. Il y en a beaucoup d’autres mais au cours des années suivantes, il y aura des rapprochements, des absorptions entre ces compagnies pour ne plus en faire qu’une. En 1928, la messe était dite, il n’y aura plus qu’une compagnie, les Tramways Bruxellois, auxquels s’associeront après la seconde guerre et de façon progressive des capitaux publics. C’est ainsi qu’en 1954 la STIB voit le jour. Comme toute les sociétés ferroviaires, la STIB a dans son passé toutes les racines de son futur et en 2014, nous avons célébré ce 60ème anniversaire avec beaucoup de fierté.
LMdO : Nous sommes ici dans les locaux du Musée du Tram qui jouxtent les ateliers de la STIB, quels sont les liens opérationnels entre ces deux entités ?
RdSM : Les infrastructures communes sont régies par des systèmes de conventions entre l’Association et la STIB, que ce soit pour le réseau ou les ateliers. La cohabitation se passe bien et pour cause puisqu’une bonne partie des bénévoles de l’association sont de la maison. Entre traminots tout se passe bien.
LMdO : Justement, quel est le profil des bénévoles traminots ?
RdSM : C’est varié. Nous sommes bien sûr tous passionnés par les réseaux ferroviaires mais il y a un mélange sain entre professionnels du rails et monsieur « tout le monde ». Les rôles de traminots à distribuer sont nombreux : maintenance, conduite, accueil des voyageurs, travail de fond sur les archives historiques, la centaine de bénévoles actifs a de quoi s’occuper. Quoi qu’il en soit, les choses sont remises en perspective : chacun est à sa place. Le directeur que je suis la semaine est sous les ordres du chef d’atelier le week-end, une sorte d’inversion des rôles. Si nous avons tous un peu gardé une âme d’enfant passionnés de trains électriques, l’environnement lui est très professionnel. L’engagement se fait en général dans la durée, il y a peu de roulement dans l’équipe de traminots.
LMdO : Votre passion du week-end vous est-elle utile au quotidien dans votre rôle de management ?
RdSM : C’est enrichissant ! D’abord, j’ai un contact tout à fait naturel avec des gens qui ont une fonction fort différente de la mienne. Je me mets dans leur peau et je peux probablement mieux appréhender la réalité du terrain qui est celle de mes équipes. A l’inverse, je peux aussi par ce biais expliquer des choses importantes pas toujours faciles à percevoir.
Mettre en pratique les connaissances théoriques acquises pendant les études reste à mes yeux important. Nous sommes confrontés à la réalité du terrain et devons faire preuve d’imagination pour résoudre les problèmes qui se présentent à nous. C’est une chance unique de pouvoir mettre tout cela en pratique. Se mesurer aux difficultés pratiques et découvrir, via la maintenance, les solutions d’ingénierie trouvées par nos prédécesseurs est à la fois passionnant et valorisant. Derrière tout cela, il y a aussi un idéal ambitieux même s’il est évidemment un peu vain, celui de maîtriser le temps en maintenant de vieilles machines en état.
LMdO : Parlez nous de la cohabitation entre le matériel moderne et historique sur la ligne 44.
RdSM : La règle n°1, c’est la sécurité ferroviaire. Ensuite la priorité va à la fluidité du trafic. En gros, dès qu’un tram moderne est passé, nous lançons un tram historique, plus lent et qui ne sera normalement pas rattrapé par le tram régulier suivant. Tout est planifié, y compris les horaires des anciens trams historiques. Nos véhicules ne sont pas visibles par le dispatching central qui organise et surveille le réseau parce qu’ils ne sont pas électroniquement équipés du système Phoenix de localisation. Néanmoins, chaque départ de tram historique est signalé par téléphone au dispatching. Notre présence est connue. En cas d’avarie, nous pouvons rapidement compter sur nos équipes d’intervention du musée et dans les cas exceptionnels sur les moyens techniques plus lourds de la STIB pour évacuer le matériel défectueux.
Tant que l’on roule à vue, la cohabitation est possible. Les choses se compliquent fortement lorsque les lignes sont équipées de signalisation automatique de régulation du trafic. Un tram historique deviendrait alors une exception dans ce contexte et serait plus délicat insérer dans le trafic pour des raisons de sécurité. Nous n’y sommes pas encore confrontés sur la partie de ligne que nous occupons. Tant que les profils de rails sont compatibles avec nos roues et que les tensions de service sont supportées par nos moteurs, nous pouvons rouler sur le réseau. J’ajoute que le parc de véhicules s’enrichit d’années en années grâce à un programme de restauration et de maintenance ambitieux. Toute l’équipe du musée fait un travail formidable, il faut que la population profite de cet outil pédagogique vivant et puis, c’est tellement agréable de voyager de cette manière.
Naissance de la Société de Transports Intercommunaux de Bruxelles (Source STIB)
1869 Au début, il y avait le cheval… Le 1er mai : le premier tramway à traction chevaline relie la Porte de Namur au Bois de la Cambre. Ainsi commence l’histoire des « tramways » à Bruxelles.
1874 Une société de transport sur les rails. La compagnie « Les Tramways Bruxellois » est fondée et devient rapidement l’unique concessionnaire du réseau. Les premiers liens se tissent entre la société de transport et la ville de Bruxelles à travers la mise en place d’un cahier des charges coordonné.
1894 Les chevaux rentrent aux écuries : la traction électrique arrive ! Bruxelles électrifie ses premiers tronçons du réseau pour mettre en circulation les premiers trams électriques.
1899 Le réseau se développe et la technique s’améliore. « Les Tramways Bruxellois » obtiennent la concession du réseau jusqu’au 31 décembre 1945, à condition d’y appliquer la traction électrique sur son ensemble. En 1885, les axes du réseau s’étendaient sur 37 km. En 1945, le réseau atteint 241 km.
1907 Les autobus à moteur remplacent les omnibus à cheval.Les premiers autobus sont mis en service, à l’essai, sur la ligne de la Bourse à la place communale d’Ixelles. Ils sont supprimés en 1913. Quant au dernier omnibus, il rentre au dépôt en 1922.
1926 L’autobus devient autonome. Après une réapparition des autobus en 1920 sur la ligne du « Tram-Car Nord-Midi », la société anonyme « Les Autobus Bruxellois » est fondée et se charge de l’exploitation et du développement du réseau des bus.
1939 Un trolleybus en circulation. L’unique ligne de trolleybus 54 « Machelen-Forest » est mise en service. Elle sera remplacée par les bus en 1964.
1954 La naissance de la STIB : Le 1er janvier : l’Etat belge, la Province de Brabant et 21 communes bruxelloises s’associent à la S.A. « Les tramways Bruxellois » pour donner naissance à la « Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles ». La nouvelle structure de droit public dispose d’une personnalité juridique propre. Bruxelles est dotée d’une intercommunale pour l’exploitation de son réseau urbain de transport. Le capital de la STIB appartient pour moitié aux pouvoirs publics et pour moitié à la S.A. « Les Tramways Bruxellois ».
Remerciements :
Musée du Tram: Site Web.
STIB : Site Web.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
Leave a reply