On a tous un peu rêvé de l’imiter un jour ! Tintin revêtu de sa tenue de scaphandrier partant à la conquête des fonds marins à la recherche du « Trésor de Rackham Le Rouge » a fait briller les yeux de bien des enfants. Certains sont passés du rêve à la réalité en embrassant cette profession très spéciale. Ils sont fiers d’être scaphandrier, c’est ce que m’ont répété les hommes de l’équipe d’intervention du Service Public Wallon (SPW). Ils sont une poignée de professionnels super entraînés à veiller sur les voies navigables wallonnes et sur le réseau secondaire non navigable. L’équipe est régulièrement renforcée par des collaborateurs extérieurs. Leur job : inspecter et prévenir, parfois intervenir.
Mais c’est quoi un scaphandrier ? Les scaphandriers contemporains sont des ouvriers très qualifiés et polyvalents ayant des connaissances dans la soudure, le coupage, les explosifs, la menuiserie, le béton, les composés d’injection, les outils pneumatiques et hydrauliques, les opérations en chambres hyperbares, la vidéo et la photographie sous-marine, la manœuvre d’embarcation, en plus de l’utilisation et l’entretien d’une grande variété d’équipements de plongée.
Contrairement au plongeur autonome, le scaphandrier est, le plus généralement, alimenté en gaz respirable par la surface, via son narguilé, partie intégrante de son scaphandre à casque. Lorsque les scaphandriers sont amenés à travailler à des profondeurs importantes, ils peuvent plonger en respirant des mélanges de gaz qui adaptent la teneur en oxygène à la profondeur de travail, comme le nitrox ou l’héliox. Les plongées aux mélanges permettent aux scaphandriers de travailler à des profondeurs de l’ordre de 200 ou 300 mètres, voire de 500 mètres dans les cas les plus extrêmes.
Les scaphandriers professionnels, civils ou militaires, peuvent aussi plonger à des profondeurs de plusieurs centaines de mètres en utilisant un scaphandre rigide, mais ce type de scaphandre est destiné à des travaux rares et sont très chers à effectuer. Le scaphandre rigide Newtsuit, un modèle canadien, permet de travailler à 300 mètres de profondeur. Ses dérivés, commercialisés sous la marque Hardsuit, sont opérationnels jusqu’à 600 mètres.
Le casque est divisé en deux parties : d’abord la pèlerine qui est la partie pectorale, fixée à la combinaison. Elle laisse passer la tête par une ouverture circulaire. Ensuite le bonnet qui est le casque et couvre la tête, il se visse à la pèlerine ou bien, pour les scaphandres de plus grandes profondeurs, il s’attache à cette dernière par le biais de boulons. Le casque du scaphandre utilisé par Tintin dans le « Trésor de Rackham Le Rouge » est un modèle ayant réellement existé. Il s’agit d’un « Denayrouze 1889 ». Premier modèle à ne pas voir le bonnet fixé à la pèlerine par des boulons mais par le biais d’un crochet.
Au SPW, les profondeurs maximales auxquelles sont confrontés les scaphandriers excèdent rarement la cinquantaine de mètres. Ce sont les plus grandes profondeurs que l’on rencontre sur le territoire wallon, plus précisément aux Barrages de l’Eau d’Heure sur le barrage de la Plate Taille. Régulièrement une équipe inspecte les entrées des turbines qui produisent électricité au pied de l’ouvrage d’art. C’est en partie cette opération que nous avons suivie.
En Région wallonne, plus de 450 km de voies sont utilisés couramment pour la navigation commerciale. Il faut donc tout inspecter, tout surveiller. Les scaphandriers du SPW sont les yeux des techniciens et des ingénieurs. Ils accèdent à l’inaccessible en permanence pour observer, mesurer, photographier et établir des rapports d’inspections.
Ponts, quais, écluses, barrages, turbines, hydroliennes, ascenseurs à bateaux, tout ce qui a les pieds dans l’eau est scrupuleusement surveillé. Cela concerne donc aussi les centaines de kilomètres de rivières qui sont traversées par des ponts. La profondeur y est moindre mais le travail y est fait selon le même principe. Pour nos hommes du SPW, le boulot change donc très régulièrement. Il commence cependant souvent par une phase préalable de nettoyage des surfaces à inspecter : les moules colonisent parfois les parois sur plusieurs centimètres d’épaisseur, rendant l’observation impossible. C’est un jet d’eau haute pression qui est utilisé pour effectuer ce travail préalable de nettoyage. Ensuite, l’équipe inspecte et procède aux conclusions. Une fois les éventuels dégâts constatés, les cahiers de charge sont établis et, en général, les travaux sont confiés à des entreprises privées. L’équipe du SPW redescend contrôler les travaux une fois les entrepreneurs partis.
Une équipe opérationnelle est composée de 3 hommes. Le plongeur est entouré d’un responsable des opérations (contrôle oxygène, coordination, paliers, administration) et d’un plongeur secours toujours prêt à intervenir quelle que soit la profondeur de travail. C’est un travail où la confiance réciproque doit être totale. Les hommes de l’équipe doivent d’ailleurs pouvoir occuper tous les postes de façon interchangeable.
Evidemment ce sont des métiers où l’on ne badine pas avec la sécurité. Chaque scaphandrier de l’équipe subit un examen médical approfondi chaque année et est envoyé en formation pour parfaire encore et encore ses techniques de plongée. Chaque travail commence d’ailleurs par une analyse de risques. Le plus grand danger pour un scaphandrier c’est le fameux deltaP, une pression inverse mortelle.
Serge Cuvelier, scaphandrier au SPW de m’expliquer : » Les accidents que l’on redoute le plus sont liés à une différence de pression généralement créée par une fuite dans un ouvrage. L’aspiration est telle que s’y frotter, c’est l’assurance de rester « collé » à la paroi, aspiré par des tonnes de pression qui ne laissent aucune chance au scaphandrier. C’est la mort assurée. Alors, on prend toutes les précautions possibles quand on travaille sur des portes d’écluses par exemple. Les bassins sont mis en équilibre de pression pour qu’un incident ne provoque pas ce deltaP fatal. Évoluer sous l’eau c’est spécial, il faut évidemment respecter les paliers de décompression et faire attention à ce qu’on trouve dans notre environnement de travail. On trouve de tout dans les voies navigables. Il ne faut pas se blesser ni avec un truc qui traîne, ni avec nos outils. Il faut aussi se méfier des polluants : dans certains environnements, la peau ne peut pas entrer en contact avec l’eau dans laquelle on est amenés à évoluer. C’est trop risqué. Pour le reste, c’est un métier passionnant que j’espère encore faire longtemps. »
Dominique Mercenier est lui indépendant. C’est un scaphandrier qui met ses compétences au service de ses clients : le SPW, les plates formes off-shore, les armateurs, … Nageur de combat pendant cinq ans, Dominique avait le profil idéal pour se reconvertir en scaphandrier dans le privé. Pendant plusieurs mois, il va passer une série impressionnante de brevets professionnels pour accéder aux différents marchés que compte la profession dont le très prisé « Off Shore ». Diver Médic, Class 2A, tests non destructifs pour inspecter les structures, il cumule les compétences pour exceller dans sa profession. Sauf que rien n’est éternel en matière de brevets et qu’il faut sans cesse se remettre à niveau et passer des épreuves de tests par ailleurs fort chères.
Ce métier, Dominique en a rêvé des années durant quand, enfant, il regardait les exploits des équipes Cousteau à la télévision. Mais pour en vivre, il faut se frotter plus aux activités humaines qu’à la nature proprement dite. Son quotidien est fait d’interventions en tout genre, du renflouage à l’inspection des coques en passant par les interventions outillées. Travailler sous l’eau c’est un challenge, tout change. Sans point d’appui, il est impossible d’effectuer un travail outillé : le scaphandrier est repoussé à chaque fois qu’il exerce une pression sur sa machine. Les conditions varient énormément en fonction de l’environnement : en Off Shore, ils sont confrontés à de grandes profondeurs, à une visibilité souvent plus importante mais la houle balade les scaphandriers comme du linge dans une machine. C’est très éprouvant. En In Shore, les paliers sont moins contraignants mais la visibilité est souvent mauvaise voire nulle. Les zones polluées sont légion et il faut prendre de grandes précautions sanitaires. Quoi qu’il en soit, de l’aveu de Dominique, le travail demande une grande hygiène de vie pour rester au top. Sous l’eau le temps de travail n’excède que rarement les 3 à 4 heures mais ce sont des heures d’une totale concentration.
Remerciements : SPW Cellule Plongeurs Monsieur Thierry LEDENT, Monsieur Pascal Gaignage, toute l'équipe de scaphandriers et Monsieur Mercenier (TSMF)
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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