Isabelle Pirotte : l’orfèvre de vos objets de verre, restauratrice verre et céramique.
Ah les beaux services familiaux que l’on ne sort qu’aux grandes occasions en prenant mille précautions … Pas de panique, en cas de problème, dans les mains d’Isabelle Pirotte, restauratrice verre et céramique, vos objets reprennent vie. Cette jeune artisane a plus d’un tour dans son sac pour faire de véritables petits miracles et éviter la poubelle à vos objets les plus précieux. LMdO a suivi la jeune femme dans ses deux ateliers, dans les salles de cours où elle transmet son savoir et, last but not least, au cœur des Blaschka.
Isabelle Pirotte : J’ai toujours eu envie de travailler de mes mains. C’est à la suite d’un reportage sur les métiers liés à la restauration d’œuvres d’art que j’ai décidé d’intégrer Saint Luc à Liège en section céramique. J’aurais pu m’orienter vers la section peinture mais j’avais envie de m’occuper d’objets tridimensionnels. Ce métier m’a aussi permis d’étudier l’histoire de l’art, la philosophie, la déontologie. Une synthèse intéressante entre une activité manuelle et intellectuelle. Le contact de l’objet et la précision qu’il réclame sont des notions très importantes pour moi.
LMdO : En tant que restauratrice verre et céramique, ce qui marque l’esprit c’est ta capacité à ressusciter des objets qui semblent irrécupérables …
IP : A priori, il n’y a pas de cas désespérés. On arrive toujours à faire quelque chose pour sauver un objet. En conservation pure, l’approche historique et scientifique de l’objet nous oblige à une
grande rigueur et à un respect des pièces. Comme tous les restaurateurs, nous respectons l’objet sans en modifier le caractère d’origine. En ce sens, le processus de restauration peut avoir des limites et doit toujours être réversible. Par contre, un objet « courant » pourra peut-être subir une intervention plus impactante, impossible sur un objet « classé ». Dans mon deuxième atelier, je suis équipée pour la taille ce qui, à priori, n’a rien à faire en restauration. L’équation est simple. Si un verre m’arrive ébréché, je peux combler le vide avec une résine qui imite presque à la perfection la matière manquante. Le verre sera alors inutilisable. La fonctionnalité de l’objet s’éteint. C’est de la restauration d’art. Par contre, si je rôde légèrement le bord du verre pour lui redonner son uniformité, je répare l’objet et lui donne une seconde
vie. La nuance est importante et, en tant que restauratrice verre et céramique, je dois donc toujours avoir conscience de ce que l’on me confie.
LMdO : Restaurer, réparer c’est donner une seconde chance aux objets. On est encore loin de la création pure ?
IP : Cela correspond assez bien à mon tempérament. Je suis assez discrète. Travailler dans le respect et le prolongement des gestes posés par mes prédécesseurs me convient bien. Il est vrai que depuis que j’ai découvert les Blaschka, je suis très impressionnée par cette technique créative autour du verre. Avoir eu l’immense privilège de les restaurer m’a fait prendre conscience du talent incroyable des maîtres verriers. Il est probable que les Blaschka en soient l’aboutissement. Cette créativité autour du travail du verre m’intéresse vraiment.
Maîtres et Modèles : un nom, Blaschka.
Par Sonia Wanson : Directrice Adjointe de l’Aquarium Museum de l’Université de Liège.
Edouard Van Beneden est un biologiste de renommée internationale. Darwiniste convaincu, en 1888 il crée l’Institut Zoologique de l’Université de Liège. Pour illustrer ses leçons de biologie marine, le matériel pédagogique disponible à cette époque se limite aux croquis et à l’observation éventuelle de spécimens naturalisés. Il n’y a pas de photographies disponibles et encore moins de documents filmés. La conservation d’invertébrés marins dans le formol ou l’alcool leur font rapidement perdre leur couleur et leur consistance au point de les rendre inexploitables à l’enseignement anatomique.
L’idée a donc été de faire appel à des modèles pédagogiques. A Dresde, en Allemagne, les maîtres verriers Léopold et Rudolf Blaschka sont repérés par des scientifiques pour la qualité d’exécution d’objets de décoration en verre à destination du grand public. Il s’agit de fleurs de verre dont le degré de précision va les amener à créer, deux générations durant, des invertébrés marins d’une qualité exceptionnelle.
En 1886, Edouard Van Beneden passe donc commande de 77 modèles de Blaschka. Méduses, coraux, pieuvres, anémones arrivent à Liège 9 mois plus tard. Sur les 77 modèles commandés, 130 ans plus tard, il en reste 49 dont 39 lisibles. Entre temps, le matériel pédagogique ayant fait des progrès importants, les Blaschka perdent leur intérêt didactique et ne sont plus utilisés depuis des années par les professeurs de biologies marines au point d’être pratiquement oubliés de tous. En 2006, Isabelle Pirotte cherche un sujet de mémoire. Ce sera l’occasion pour l’institut de disposer d’un inventaire doublé d’un protocole scientifique pour sauver et mettre en valeur les modèles de verre.
En 2009, suite à la reconnaissance de l’Aquarium-Muséum comme Institution muséale de catégorie A, nous obtenons les budgets pour restaurer et valoriser les Blaschka. C’est l’expertise d’Isabelle qui sera naturellement mise à profit pour ce chantier, puisque entre temps, elle a été engagée par l’université de Genève pour restaurer l’importante collection helvétique de Blaschka. D’objets didactiques qu’ils étaient à l’époque, les Blashka sont devenus des œuvres d’art inestimables et depuis 2012 visibles dans une scénographie de grande qualité. La prochaine étape est de les faire classer.
LMdO : En quoi le travail des Blaschka est-il exceptionnel ?
IP : La finesse d’exécution du travail est incroyable. Malheureusement, cette technique n’a pas été transmise. On comprend néanmoins la façon dont les Blaschka ont procédé pour les parties les plus fines des modèles, notamment avec l’utilisation de fins fils de cuivre sur lesquels les fines perles de verre sont accrochées. Par contre, personne ne parvient à répéter le geste qui permet d’y arriver. La technique est perdue car elle n’a pas été documentée. C’est par ailleurs bien dommage mais qui sait, à force de les observer peut-être finirai-je par comprendre.
Isabelle Pirotte : le site web. Aquarium Museum de Liège : le site web. Les Blaschka de l'Université de Liège : le site web.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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