Michel Dusariez : l’opticien panoramiste et cervoliste, spécialiste en aérophotographie.
Quel est le point commun entre un artisan d’art et un opticien cervoliste à la retraite, spécialiste en aérophotographie et panoramiste de renom ? La passion ! Elle est la croisée de tous mes reportages et celui-ci ne fait pas exception. A l’heure des drones truffés de technologie, faire voler un appareil photographique argentique fabriqué entièrement à la main a un parfum suranné qui n’est pas fait pour me déplaire.
Michel Dusariez, autodidacte dans les domaines de la photographie et de la mécanique, effectue depuis 1970 des recherches sur l’image dynamique. Celles-ci, produites avec des appareils de son invention, sont réalisées sur pellicule argentique, sans trucage ou manipulation informatique.
L’idée de prendre de la hauteur pour observer la terre ne date d’ailleurs pas d’hier. La toute première photographie aérienne date de 1858, elle est l’œuvre du photographe et aérostier Félix Nadar qui a pris un cliché du Petit-Bicêtre (actuel Petit-Clamart), au sud de Paris, à proximité de Bièvres depuis un ballon captif. C’est en 1888, dans le Tarn que le français Arthur Batut allait pour la première fois faire voler un cerf-volant équipé d’un appareil photo et déclencher sa chambre à une centaine de mètres de hauteur. Plus tard, Émile Wenz perfectionnera le système trop tributaire des mouvements du cerf-volant. De nombreux systèmes apparaissent : déclenchement par fil, chariot pour monter la nacelle photo, etc.
Les premiers vols sur une machine pilotée par gouvernes agissant sur les trois axes (tangage, roulis, lacet) ont été réalisés par les frères Wright sur leur planeur en 1902. Très vite, toutes ces machines volantes ont donc été couplées à des engins d’observation. L’homme a rapidement compris l’intérêt de prendre de la hauteur. Un intérêt stratégique et militaire avant d’être scientifique, voire artistique.
La photographie aérienne a pris réellement son essor lors de la Première Guerre mondiale avec le développement combiné des ballons d’observation et de l’aéroplane, dopé par des besoins en renseignements militaires.
C’est aussi pendant cette période que Julius Neubronner développe la technique des pigeons photographes, cependant, après la guerre, l’intérêt n’y est plus, et malgré de nouveaux essais dans les années 1930, les photographes à plumes rentrent aux pigeonniers. La Seconde Guerre mondiale va engendrer un développement considérable de la photographie aérienne toujours sous l’impulsion des militaires.
En 1946 est pris le premier cliché spatial avec une fusée V2 qui monte à une altitude de 130 kilomètres, ce sont les débuts de la photographie spatiale qui ne sera effective qu’avec les premiers satellites dédiés. Cette dernière ne concurrence pas totalement la photographie aérienne mais la complète sauf peut-être dans le domaine du renseignement militaire. Depuis quelques années maintenant, les drones domestiques sont partout au service de l’image et de l’observation. Ils sont très accessibles et performants et on peut se demander quel peut bien être l’intérêt de faire voler un appareil photographique au bout d’un filin à l’heure actuelle ?
De l’aveu même de Michel, c’est la rareté de la discipline et le goût pour les défis qui mettront l’aérophotographie sur sa route. Le plaisir de construire aussi. Dans les années 80, peu de personnes sont en mesure de faire voler un appareil autonome à plusieurs centaines de mètres d’altitude dans le but de figer un paysage. Ses premiers essais, Michel les a réalisés avec un appareil de sa conception qui répondait au format classique de 4-5 inch, mais lors d’un voyage au Japon consacré à l’aérophotographie, un participant déclenche un appareil mystérieux dont la tête pivote au fur et à mesure de la prise de vue. Michel vient de faire connaissance avec la photographie panoramique.
Rentré à Bruxelles, il passera de longues heures à mettre au point son premier appareil panoramique qu’il finira par embarquer sur un cerf-volant. La boucle aurait pu être bouclée. C’est mal connaître notre homme qui, jamais à court d’idées et de défis à relever, sera loin de s’arrêter en si bon chemin. C’est sous l’eau qu’il va alors emmener ses appareils pour une série de panoramiques étonnants en milieu aquatique.
Depuis il a repris les airs avec des appareils stéréoscopiques à 360° accrochés à des cerf-volants de plus en plus performants. Tout est fabriqué par Michel, sans plan précis ni croquis détaillés. Ses appareils, il les conçoit au feeling, par pure intuition et en s’interdisant certaines facilités technologiques actuelles.
« Les visées électroniques à distance qui permettent de contrôler l’image au sol m’ennuient. L’aérophotographie est l’anti-chambre de la photographie par satellite. On est dans un monde de découverte et d’exploration. On n’est pas dans la photographie témoin ou souvenir. Déclencher à l’aveugle et devoir attendre le développement du film argentique font partie intégrante de ma démarche, je n’imagine pas faire autrement. Quand je maîtrise mes appareils, leurs réglages et leur utilisation, j’en construis un autre. Je les utilise finalement très peu. »
Jusqu’à l’avènement des drones, le cerf-volant était le moyen idéal pour atteindre des altitudes moyennes. Mais c’est les pieds bien campés sur terre que Michel va expérimenter malgré lui une voie étonnante de la photographie panoramique. Comme une sorte de révélation qui va conditionner son travail d’artiste pour les années qui suivront. « People In Motion » développe une écriture esthétique innovante issue de procédés de restitution du mouvement dus à Marey, Muybridge et Edgerton, précurseurs de la chronophotographie.
« J’étais dans le foyer du Musée d’Histoire Naturelle de New-York pour effectuer un panoramique. L’appareil trône fièrement sur son trépied. J’ai ma télécommande en main, tout est prêt. Je déclenche. La rotation commence et un petit garçon court vers l’optique et suit toute la progression du balayage effectué par la tête panoramique, face à l’appareil. Trente centimètres de film sont en théorie gâchés et ça me met de très mauvaise humeur. Sauf qu’au développement de l’image ma surprise sera énorme, le petit garçon avait dix jambes et son corps s’était incroyablement allongé dans une chorégraphie d’une grâce envoûtante : People In Motion venait de voir le jour, par accident. »
S’en suivront des centaines de clichés où l’appareil balaie la scène sur 180° avec un modèle qui suit la tête rotative au fur et à mesure de l’exposition. Danseurs, acrobates, boxeurs, musiciens, enfants, ils se succéderont par dizaines devant l’appareil de Michel. En 2012, Michel Dusariez est sélectionné pour un projet très ambitieux : la station de métro bruxelloise Demey à Auderghem est en pleine rénovation. La STIB & la Région Bruxelloise choisissent 38 tableaux de la série People In Motion pour donner un air de légèreté et de liberté à la station. Une salle d’exposition dans l’espace publique dont vous pouvez profiter en permanence si vous passez dans la capitale.
People In Motion : visible en permanence à la Station de métro Demey à Bruxelles - Belgique.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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