Goudji, le magicien d’or, orfèvre à Paris.
Dans l’orfèvrerie d’excellence, un nom est reconnu mondialement : Goudji, le magicien d’or. LMdO a rencontré l’orfèvre créateur dans ses ateliers parisiens de Montmartre.
Goudji : Je viens de la Géorgie, un pays situé entre les deux chaînes de montagnes du Caucase. Un pays qui a disparu avec la chute du mur et dont j’ai tout fait pour m’enfuir à l’époque. J’ai eu une chance inouïe de rencontrer ma future femme qui travaillait à l’ambassade de France et que j’ai épousée il y a maintenant 40 ans. Sans l’intervention du Président Pompidou, j’aurais eu toutes les difficultés du monde à quitter ce pays. Je savais qu’une fois parti, je ne reverrais plus jamais mes proches. Ce fut un choix douloureux mais indispensable pour exercer ma profession d’orfèvre. Ma mère est décédée en 1985 sans que je puisse lui dire au revoir.
LMdO : Pourquoi était-ce si compliqué d’exercer votre art en Géorgie ?
Goudji : C’était totalement impossible. La détention de métaux précieux était tout à fait interdite par le régime et j’aurais été condamné à sculpter des statues de Staline toute ma carrière pour le Politburo si je ne m’étais pas exilé : une carrière effrayante au service de la propagande ce qui artistiquement et idéologiquement n’était pas envisageable. Heureusement, arrivé en France en 1974, j’ai pu travailler le peu d’argent que j’avais sorti illégalement du pays c’est à dire les 6 cuillères à soupe en argent de ma grand mère. Je les ai fondues pour en faire des bijoux, c’est ainsi que tout à commencé, il y a 40 ans dans ce même atelier parisien.
Mes quelques années d’activité en Géorgie ont été une bonne école : nous manquions de tout et il fallait tout faire soi même avec les moyens du bord. Sur le principe, rien n’a changé puisque je fais toutes mes pièces entièrement moi même. Les bijoux m’ont permis de démarrer ma carrière : je les vendais sur des stands que je louais dans des salons. Avec les maigres bénéfices, je rachetais des métaux précieux et complexifiais les pièces à chaque fois. J’ai ainsi fini par être repéré par des galeries qui ont vendu mes pièces, ce qui me libérait de la partie la moins créative de mon art. Ensuite, quelques musées m’ont demandé des créations originales et le clergé a emboîté le pas.
Ils ont senti que mon art pouvait rentrer dans les églises. J’ai eu une première commande de trois pièces qui sont à la Cathédrale de Notre Dame de Paris. C’est à Chartres que j’ai pu vraiment m’exprimer puisque j’ai reçu une commande 40 pièces. Une première tranche concernait le mobilier et la seconde les objets liturgiques. Tout est sorti de mes ateliers. C’était un grand honneur pour moi en tant que chrétien de pouvoir contribuer au rayonnement de l’église.
LMdO : En quoi votre travail est-il exceptionnel ?
Goudji : C’est difficile pour moi d’en parler mais à priori, je suis le seul orfèvre créateur à maîtriser autant de disciplines en même temps : rien n’est sous traité. Sculpture, ciselure, atelier lapidaire, cire perdue … je sculpte aussi bien les matériaux précieux que la pierre, j’imagine mes pièces de A à Z sans jamais aucun plan, en partant d’une feuille blanche. Je me suis fait une spécialité de l’incrustation de pierres dures dans le métal, c’est un peu ma patte. Le repoussé à la main et au marteau de feuilles de métaux précieux, une technique de dinanderie, garantit une production unique.
LMdO : Même l’Académie Française ne s’y est pas trompée …
Goudji : Oui, c’est un grand privilège pour moi : chaque académicien reçoit une épée lors de son intronisation, j’en ai fait 14 jusqu’à présent. Toutes ces pièces demandent une étroite collaboration avec l’Académicien et m’ont permis de faire des rencontres formidables. C’est le rare travail pour lequel je reçois des instructions puisque l’épée doit refléter l’oeuvre de l’académicien. La première que j’ai faite était celle de l’académicien d’origine belge Félicien Marceau. J’ai fait quelques trophées prestigieux aussi pour le concours international d’orgue de Chartres. Récemment des capucins italiens m’ont sollicité pour la fabrication de la chasse de Padre Pio. Une pièce imposante de chêne recouverte de feuilles d’argent. Mes oeuvres sont uniques et non reproductibles : vous ne verrez jamais deux pièces identiques. C’est ce qui semble intéresser mes mécènes et les collectionneurs du monde entier qui aiment mes torques, mes fibules, mes bijoux et mes pièces liturgiques. Elles sont le reflet d’un savoir faire ancestral et sont empruntes d’une modernité certaine, le reflet de mon âme.
Ce qui me frappe dans l’art de Goudji et qui m’avait déjà frappé, il y a quelques années, lorsqu’il m’avait montré son projet pour mon épée – c’est le souci qui y apparaît de donner aux objets une dimension en quelque sorte mythique tout en gardant leur signification originelle. Cet art qui vient de loin, de très loin, dans l’espace et le temps, de plus loin encore et du plus profond de la sensibilité de l’artiste, est aussi un art résolument planté dans le monde actuel et qui le reflète. Il rejoint ce point magique où la beauté transfigure le réel sans perdre le contact avec lui. Félicien Marceau de l’Académie française
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
Leave a reply