Pascal Collard, monteur à bois sur armes de grand luxe.
Le monteur à bois sur armes de luxe est à l’arme de chasse ce que le tailleur est au costume : le « sur mesure » parfaitement adapté au client autrement dit. Pascal Collard, monteur à bois sur armes de grand luxe est un artisan qui adapte parfaitement la crosse d’un fusil de chasse à son propriétaire. Un métier rare exercé avec passion par cet amoureux de l’excellence que nous avons rencontré dans son armurerie de Neerijse.
Fils d’agriculteur gembloutois, Pascal accompagnait son père à la chasse au petit gibier sur les terres familiales. Une passion qui ne l’a plus jamais quitté au point d’en faire son métier, un métier rare. Pas moins de 20 à 25 corps de métier sont nécessaires à la fabrication d’une arme. Même si l’atelier est capable de parer à toutes les tâches qu’exige l’entretien d’une arme, la spécialisation de Pascal Collard c’est le montage à bois avec façonnage ou modification de crosses sur mesures. Ils sont une poignée en Belgique a encore exercer ce métier . Tout commence à l’étage, dans le show room où le client choisit son ébauche de bois de noyer pour sa future crosse.
LMdO : Du noyer et rien que du noyer pour le monteur à bois ?
Pascal Collard : C’est le bois idéal ! Il se travaille relativement facilement, il résiste aux chocs, et il est très esthétique. Ce sont ses trois qualités. Une belle mise à bois passe par le soin donné à ce que l’on appelle la relime, c’est à dire la forme de la crosse qui doit être adaptée à l’arme. En tant que monteur à bois, je cherche l’harmonie des formes, des lignes, le tout sur mesure. Ma relime de crosse est assez fine mais toujours proportionnée à l’arme proprement dite.
LMdO : Un travail de haute couture ?
PC : La prise de mesures est primordiale en effet. Largeur d’épaules, longueur de bras et la hauteur de cou par rapport à l’œil. Avec ces trois données, je peux commencer à travailler ma crosse à partir de l’ébauche de noyer. Longueur de crosse, pente et l’avantage (largeur de poitrine) sont reportées lors du façonnage de la crosse. Bien sur, il faut faire attention aux pièges lors des prises de mesure : le chasseur doit être équipé comme sur le terrain pour que les épaisseurs de vêtements soient prises en considération dans les mesures, au risque de ne pas avoir un ajustement parfait si on omet ce point.
LMdO : Je suis interpellé par le fait que vous n’ayez presque pas de notes ou de croquis sous la main lors du façonnage de la crosse.
PC : Vous n’êtes pas le seul. Mes clients sont parfois un peu décontenancés quand ils viennent la première fois. Je dois être le seul monteur à bois à travailler à l’œil. A l’épaulement du chasseur, j’y vois tout de suite clair et seules 4 à 5 mesures me suffisent à réaliser une crosse parfaitement adaptée à la morphologie du client. A mes débuts, chez Lebeau-Courally à Liège, j’étonnais aussi mon mécène en la personne du patron de l’époque.
LMdO : Votre mécène ?
PC : A la mort de mon père, j’étais sans le sou. J’avais 17 ans et mes études n’étaient pas terminées. Le patron de Lebeau-Courally de l’époque, Monsieur Verrees, m’a pris sous son aile. Je passais à l’atelier le mercredi après-midi pour réaliser des mises à bois et en échange, il payait mes études. Au début je faisais des montages relativement simples mais très vite j’ai pu monter des fusils à platines et des armes de grand luxe. On dit toujours qu’il faut 10 ans pour faire un monteur à bois. Même si on apprend encore tous les jours, après 3 ans seulement, on me confiait les plus belles armes de la gamme.
LMdO : Vous montiez toujours du neuf à cette époque là, ça a changé ?
PC : Quand j’ai décidé de voler de mes propres ailes, j’ai effectivement continué à faire de la mise à bois sur du neuf pour mes anciens patrons devenus mes clients. Au fil des années, par la force des choses, j’ai fait énormément de transformations d’armes et de la réparation. Ces armes sont fragiles, les crosses encaissent beaucoup et supportent mal les chutes par exemple. Je remplace énormément de crosses cassées.
LMdO : Au point de ne plus fabriquer du neuf ?
PC : Ça devient rare en effet mais ça arrive encore. Ainsi, je rêvais d’avoir ma carabine à platines, une arme 100% artisanale sans compromis. Une arme fine de grand luxe qui réunirait le savoir faire des meilleurs. Après de longues années d’attente, je chasse avec une pièce vraiment unique. Jean-Marc Stevaux a fabriqué l’arme proprement dite. Alain Lovenberg l’a gravée et j’ai fait la mise à bois. C’est Philippe Cuvelier qui a fait la valise, c’est un des meilleurs bourreliers de Belgique. Nous sommes vraiment dans l’excellence absolue. Alain y a mis toute sa créativité : fond creux, ciselure et taille douce. Jean-Marc a pu démontrer son grand savoir faire et bien sur j’ai réalisé une mise à bois de très haute tenue. Huit années de patience ont été nécessaires. Bien sûr, nous n’avons pas fait que ça.
A découvrir ou redécouvrir :
- LMdO : rencontre avec Alain Lovenberg, le meilleur graveur sur arme au monde
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Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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