Fred Krugger Motorcycle : designer de motos d’exception uniques au monde. Constructeur motos.
Parler de Fred Krugger, c’est parler d’une véritable star mondiale dans sa discipline. Rentrer dans l’atelier de Fred Krugger, c’est un privilège, celui d’atteindre les sommets, le temps d’une interview et de quelques clichés.
Fred excelle dans le milieu ultra fermé des designers concepteurs de motos. Il fait partie de la poignée d’artisans qui sur la planète sont capables de créer une machine unique, entièrement fabriquée à la main sur mesure. Les limites ne sont posées que par l’imagination du concepteur et l’épaisseur du portefeuille des commanditaires.
Ce reportage, je l’ai commencé il y a un an. Le plus grand mystère entourait alors la moto en gestation, celle qui allait devenir la Ladd ! Commanditée par les célèbres joailliers liégeois Sansen & Gangi, c’est la moto de tous les superlatifs, la machine élevée au rang de l’Art. Pas moins d’un an, c’est le temps qu’il aura fallu pour que de quelques tubes encore abstraits sorte ce bijou mécanique. Difficile à imaginer à l’époque : pas de plan, pas de croquis. Un artisan, un artiste, un génie afféré à couder des tubes, à les assembler dans sa tête avant de passer à la soudure sur le marbre de l’atelier.
C’est que depuis l’âge de cinq ans, Fred Krugger joue les équilibristes sur toute sorte de machines à deux roues. A 7 ans, il commence ses premières compétitions sous les encouragements d’un papa et d’une maman qui vont transmettre le virus de la mécanique à leur gamin. A 18 ans, deux titres de champion de Belgique en main, le jeune Frédéric Bertrand de son vrai nom, entame son entrée dans le monde de la mécanique professionnelle par le biais de différentes formations. Pendant une bonne dizaine d’années, le jeune mécanicien parfait ses connaissances en sport auto. Tout y passe, des préparations moteurs aux réglages les plus fins mais la tôlerie reste ce que Fred préfère : modifier l’aspect esthétique des véhicules qui passent dans ses mains.
Chemin faisant, l’idée de devenir indépendant se concrétise en 2002. Resté motard dans l’âme, le mécanicien ardennais rêve de rouler en Harley mais le chèque à débourser est trop important. Qu’à cela ne tienne, il en achète une en kit et la remonte en y apportant déjà une touche personnelle qui fait la différence. Le concessionnaire de Waterloo qui lui a vendu le kit est tellement impressionné qu’il lui demande de remonter un kit bike de chez Zodiac. A chaque montage, le mécanicien y va de sa touche personnelle en modifiant la carrosserie ou certains aspects des machines qui lui sont confiées. En 2005, sa décision est prise, son activité professionnelle tourne alors exclusivement autour de la transformation et la conception de motos hors du commun.
La Racer sera la première réalisation 100% créée par Fred Krugger. Elle sort en 2002. Sa vente rapide permet au jeune spadois de fabriquer sa seconde machine dont le succès est aussi immédiat. La troisième machine sortie de l’atelier sera achetée par un certain Brad Pitt : excusez du peu ! De fil en aiguilles, l’activité bascule entièrement vers des concepts 100% créatifs où les clients donnent carte blanche au mécanicien de génie. Aujourd’hui, le carnet de commande est plein pour 4 ans !
LMdO : Quelle est la recette pour créer un modèle exclusif ?
Fred Krugger : Une moto doit être facile à comprendre, à lire : la ligne doit être fluide. Je m’inspire beaucoup de ce qui a été fait, des modèles mythiques. La finition doit être supérieure à ce que l’on trouve en usine. Une montagne de détails subtiles fait la différence. La ligne générale de la machine se dessine assez rapidement. En quelques semaines, l’allure qu’aura la moto se dessine clairement. Ce qui prend du temps, beaucoup de temps, ce sont les finitions. Elles me prennent six à huit mois selon le degré de complexité.
LMdO : Et tout ça sans plan, sans croquis ? Comment est-ce possible ?
FK : La genèse d’une moto passe par le contact que j’ai avec le client qui me donne les grandes lignes à suivre. On décide d’une moto dont la ligne est typée piste, course ou chopper par exemple, parfois je fais des mélanges. Je détermine le choix de roues et de la mécanique. Tout est fabriqué à l’échelle 1 sur mon marbre. Quand je démarre, j’imagine la machine mentalement et je sais à quoi elle va ressembler. 90% seront respectés. Les 10% édulcorés, ce sont des contraintes techniques ou ergonomiques. Je ne fais jamais marche arrière. Si je m’engage sur une piste compliquée, il m’arrive de regretter un choix spécifique mais je l’assume toujours. Je n’ai jamais du jeter une pièce, je vais toujours jusqu’au bout. L’aboutissement, c’est évidemment le jour où l’on démarre la moto et que les premiers tours de roues défient le bitume : tout le travail prend son sens.
LMdO : Ce qui frappe dans l’atelier quand on connaît vos motos, c’est la simplicité de l’équipement, de l’outillage.
FK : Ca ne tient qu’au facteur financier. Je n’avais pas les moyens de m’équiper en matériel de pointe. C’est ce qui m’a obligé à beaucoup réfléchir et à trouver des solutions techniques innovantes mais faciles à mettre en oeuvre. J’ai fait de cette faiblesse une force et je m’y sens bien. Je ne suis pas très branché par les machines numériques surpuissantes. Le cintrage se fait à la main, les découpes aussi. On polit beaucoup de façon traditionnelle. Le matériau de prédilection reste l’acier. J’utilise peu de carbone ou de matériau composite.
LMdO : Qui sont vos clients ?
FK : Des gens fortunés passionnés de mécanique. Mais ça évolue. Mes dernières commandes émanent de gens passionnés d’art. Ils considèrent mes machines comme des oeuvres d’art. Pour moi ça reste des motos. Mais le contact doit rester la première des motivations pour chacun. Si le courant ne passe pas, même avec un budget sans limite, je ne construirai pas une moto qui serait un caprice de la part du commanditaire. J’ai cette chance là, je peux choisir mes clients.
LMdO : Des clients qui peuvent être des marques très prestigieuses ? Expliquez-nous votre partenariat avec BMW ?
FK : BMW voulait mettre en valeur leur nouvelle motorisation six cylindres. Ils m’ont fourni une moto complète dont j’ai récupéré le moteur et l’électronique. Après plusieurs mois de travail, la Nurbs sortait de mon atelier. 3000 heures de travail ont été nécessaires pour revisiter toute cette technologie de pointe. L’électronique de cette moto est tellement complexe que j’ai du intégrer 7 boîtiers dans le chassis pour piloter tous les organes qui y sont reliés. Je voulais faire de cette moto une machine fluide, rappelant les premières heures de l’aérodynamique industrielle malgré l’énormité de son moteur.
LMdO : Et l’avenir ? Vos projets ?
FK : Je m’installe enfin dans un endroit adapté à mes activités et à mes projets. Fini la petite grange de Basse-Bodeux, je vais prendre possession de tous nouveaux ateliers ultra modernes et ergonomiques pour pouvoir y construire des voitures. Elles devraient avoir le même niveau d’exigence esthétique et technique que mes motos. En 2019, je devrais être en mesure de livrer la première. Elle existe déjà dans ma tête, il ne reste plus qu’à la construire.
Fred Krugger : le Site Web Crédits Photographiques Ladd : Thierry Dricot.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
Comment
Très bon reportage fi !