Thierry Michel : coutelier de poche pliants.
Enfuie au plus profond de sa mémoire, la passion de Thierry pour les couteaux de poche pliants est une histoire très ancienne. Il se souvient de son premier achat, il avait 7 ans. De collectionneur, 40 ans après, il passe derrière l’établi, suite à une rencontre fortuite avec un coutelier corse : une révélation. Une lime, un étau, quelques papiers abrasifs et l’aventure commence.
LMdO : On peine à imaginer que tu n’aies que 8 ans d’atelier derrière toi. Les progrès ont été importants depuis 2007 ?
Thierry Michel : Je me suis vite rendu compte que le chemin serait long avant de pouvoir prétendre être crédible avec mes couteaux de poche. Depuis peu, je me sens effectivement l’âme d’un vrai coutelier. Le délai peut paraître court, mais j’ai travaillé dur pour arriver à ce niveau de qualité, celui qui peut faire de moi un coutelier poche accompli. Le choix des matériaux et plus spécifiquement des aciers est fort complexe. Le milieu est très fermé et la documentation rare. Le coup d’accélérateur a été donné par un coutelier français qui a accepté de me former. J’ai passé une semaine très très intensive chez lui et depuis, je fabrique de bons couteaux, solides, esthétiques et avec un affûtage de grande qualité. Ce sont des objets à vivre.
LMdO : Avec une note artistique quand même ?
TM : J’essaie d’imprimer mon style. Les lignes sont contemporaines, mais orientées client : j’essaie de concilier les deux visions. Les vrais amateurs de couteaux savent en général précisément ce qu’ils veulent. c’est la raison pour laquelle je fais tout moi même. Du concept à l’affûtage final en passant par la trempe et même la réalisation de la visserie que je veux personnaliser. Seuls mes aciers viennent de l’extérieur. Mes aciers Damas par exemple, viennent des meilleurs aciéristes allemands.
LMdO : Rappelle nous ce que c’est le Damas ?
TM : Les motifs présents sur le Damas de corroyage correspondent à la forme des différentes couches d’acier soudées. Contrairement au wootz, la forme du motif est intentionnelle, choisie par le forgeron au moment de l’élaboration de la pièce en provoquant des déformations soit par des techniques de forge libre, soit en estampant la barre de matériau composite des motifs recherchés. Les motifs possibles sont très nombreux suivant les types d’acier et l’habilité du producteur (formes simples comme des lignes parallèles, vagues, ronds, carrés… mais également des motifs élaborés tels de petits dessins).
Dans les deux cas, ces motifs sont en général peu discernables à l’état brut du matériau et doivent être « révélés » par des traitements particuliers (en général chimiques). Mon préféré est le 320 couches, un mille feuilles d’acier extraordinairement esthétique.
LMdO : C’est quoi un bon couteau de poche pliant ?
TM : C’est un objet pensé et conçu pour durer et pour être efficace. Bien entretenu, il doit durer une vie. Et il faut s’en servir. Certains de mes clients collectionneurs ne les utilisent jamais et les traitent avec tous les égards. En réalité ce sont des objets usuels, faits pour affronter la vie de tous les jours. J’ai un peu fait une synthèse entre le couteau d’art et le couteau fonctionnel.
LMdO : C’est quoi le style de Thierry Michel ?
TM : Je n’ai pas envie de m’enfermer dans un style précis. Je fais ce qui me plait et ça évolue. Mon poinçon, c’est ma signature. J’ai toujours une lame dans ma poche, mais rarement une des miennes, c’est dire le recul que j’essaie de prendre sur moi même. Je suis assez éclectique, peut-être trop d’ailleurs mais l’idée de mini série me fait horreur. Je déteste faire deux fois la même chose. Imaginer un couteau, c’est déjà une victoire, passer 50 heures en atelier à le réaliser et le voir prendre vie, c’est une seconde victoire. Ensuite passer le test du regard critique de ma femme, c’est l’aboutissement du bout de vie que je passe avec mon couteau. Ensuite, c’est l’horreur : me séparer de ma pièce. J’ai été jusqu’à demander à des clients de leur racheter des couteaux sortis de mon atelier. En général, ils refusent.
LMdO visite l'atelier de fabrication de couteaux en damas de JF Colla.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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