Michael Lewis-Anderson : cake designer, orfèvre du sucre …
Une villa so british du Brabant Wallon, des arbres de noël décorés en plein été, un royalisme très affiché à la fois envers la cour de Belgique et d’Angleterre, un accent formidable qui trahit ses origines britanniques, une fête foraine miniature au sous sol et surtout un talent fou et totalement débridé ! Les liminaires utiles à la présentation de Michael sont nombreux tant son univers de cake designer sort de l’ordinaire et du conformisme. Présentation de ce disciple d’Antonin Carême …
Antonin Carême justement …
« Abandonné à huit ans en 1792 par son père dans les faubourgs de Paris, Carême se place comme garçon de cuisine, puis apprenti pâtissier, rue Vivienne ; il fréquente le cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale pour consulter des ouvrages d’architecture, qui lui inspirent des pièces montées faites de gâteaux en pâte sablée ou feuilletée, de fruits confits, de crèmes et de sorbets qui le rendent célèbre. En 1804 Talleyrand lui confie la responsabilité de cuisiner pour toute l’Europe politique qui se presse au château de Valençay ; à la chute de l’Empire, Carême travaille pour le futur roi George IV à Londres, le tsar Alexandre Ier et l’empereur François Ier d’Autriche.
En 1823, James de Rothschild le prend à son service. Les dîners des Rothschild deviennent alors les plus célèbres de Paris dans lesquels se presse le monde politique et artistique. Il invente le soufflé à la Rothschild, le saumon à la Rothschild, le filet de bœuf à la Rothschild. » [source : les blogs de la BnF]
LMdO : Cake Designer Decorator … ce n’est pas tous les jours que je croise un oiseau si rare …
Michael Lewis-Anderson : J’ai été plongé toute mon enfance dans la décoration des gâteaux, simplement parce que cette tradition britannique est finalement assez courante et que ma maman pratiquait la discipline en tant qu’amateur. J’ai créé mon premier gâteau de mariage à l’age de 13 ans. Très vite, j’ai su que j’allais faire ma vie dans la pâtisserie. Une fois mon diplôme en poche j’ai fait le tour du monde pour m’imprégner des différentes cultures. Cela a commencé après avoir gagné un concours dont le premier prix était un stage en Allemagne. De là, j’ai fait le tour de la planète et il y a 27 ans que je suis en Belgique, après qu’une célèbre maison espagnole m’ait parlé d’une adresse incontournable à Bruxelles : Wittamer.
LMdO : C’est moins ensoleillé qu’à Barcelone pourtant …
ML-A : J’avoue que l’image que j’avais de Bruxelles n’était pas très positive car je me souvenais de mes allers et venues de l’Angleterre vers l’Allemagne. La jonction Nord-Midi était mon seul contact avec la capitale et j’ignorais tout de la vie en surface. La réputation de Wittamer a vite fait de me convaincre de poser mes valises en Belgique.
LMdO : A cette époque, tu es certes un bon pâtissier mais tu n’as pas encore vraiment exprimé tout ton pouvoir créatif de cake designer. Quel sera l’élément déclencheur ?
ML-A : Une occasion unique s’est présentée. J’allais pouvoir sortir une pièce exceptionnelle en relation directe avec la royauté. Les britanniques sont très royalistes comme tu le sais. Il s’agissait du mariage de Philippe et Mathilde de Belgique. La pièce a été fort médiatisée évidemment. En 2010, j’ai été contacté par une émission de télévision qui m’a proposé un challenge intéressant : l’idée était de me mettre dans la peau du fournisseur officielle de la cour d’Angleterre et d’imaginer le gâteau de mariage de William et Kate. Nous avons associé l’ambassade britannique de Belgique à cet événement qui fût un grand succès. La presse a commencé à s’intéresser sérieusement à mon travail. Depuis, la réputation de mes pièces dépassent nos frontières.
LMdO : Parlons création justement si tu veux bien ? Ton parcours continental a forgé ton côté multiculturel mais les racines de ton art restent très British … comment t’es tu adapté ?
ML-A : Historiquement, les pièces montées sont organisées autour de cakes qui sont empilés et décorés. La structure de ces gâteaux est ferme et permet des montages audacieux et parfois imposants. Tout est donc comestible, les bases de cake bien sur mais tout le décor l’est aussi. L’avantage du cake c’est aussi qu’il se conserve des jours et des semaines à l’air libre ce qui permet de travailler autour de la pièce parfois plusieurs semaines d’affilées. Il s’agit donc gâteaux très imposants pour plusieurs dizaines de personnes. Si les anglais raffolent de cela, sur le continent, c’est la crème qui a du succès … problème : c’est beaucoup plus délicat à conserver et à décorer … La pièce montée devient alors un prétexte, une sorte d’écrin qui servira de décor à la pâtisserie qui sera dégustée et qui est amenée à la dernière minute. C’est la grande différence entre les mariages anglais et continentaux : chez nous, la pièce montée est présentée tout au long de la journée et sera servie en fin de soirée. Sur le continent, les pièces montées font leur apparition furtive à la fin de la soirée et sont immédiatement coupées pour être mangées.
LMdO : Tes gâteaux deviennent donc des sculptures …
ML-A : Je reste un pâtissier dans l’âme, un gâteau reste un gâteau mais il est vrai que je ne m’interdis rien. Tous les dimanches matin je chine sur la brocante d’à côté pour trouver des pièces de décor pour mes gâteaux … c’est parfois très intéressant d’accumuler des petits objets qui ne serviront que bien plus tard. Je viens par exemple de trouver de magnifiques nageuses en porcelaine de quelques centimètres qui feront une base superbe pour un gâteau sur le thème de l’eau. Je le visualise déjà très bien même si je ne le ferai que plus tard.
LMdO : Justement, je ne t’ai jamais vu travailler avec un croquis, tout est dans ta tête ?
ML-A : Il faut faire une distinction entre une création pure et une commande. La commande est toujours un peu orientée selon les goûts du client et le contexte. Dans ces cas là, nous discutons pour mener le projet dans le bon sens et il arrive que l’on me soumette des idées sous forme de croquis en effet. Pour mes pièces, je travaille beaucoup plus au feeling en effet.
LMdO : Cake designer : un travail de rêve ?
ML-A : Of course ! Je revisite sans cesse les thèmes de l’enfance mais j’essaie de ne pas m’enfermer dans un style … J’aime emmener les gens dans un univers féerique, voire de comte de fée. C’est l’aspect ludique de la discipline qui me motive. Voir un enfant ou une reine s’émerveiller devant mes pièces prouve que je pratique un langage universel sans barrière culturelle ou sociale. Cependant, le gâteau qui me laisse un souvenir impérissable, c’est le premier que j’ai fait avec l’aide de ma maman il y a des années dans notre petite cuisine du nord de l’Angleterre. Pas de célébrités, pas de projecteurs mais le début d’une formidable histoire.
Wittamer : le Site Web.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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