Brasseur du Bocq : tradition brassicole depuis 1858.
A Purnode, le village condruzien est rythmé par deux signaux sonores. Les traditionnelles cloches de l’église comme partout et un intriguant sifflet à vapeur! Non pas celui d’une hypothétique locomotive à vapeur surgie de la ligne de chemin de fer historique toute proche mais bien celui de l’usine du village, la brasserie du Bocq. Le puissant jet de vapeur actionné par le brasseur ponctue les pauses de la petite brasserie locale, véritable poumon économique du village. C’est que depuis 1858, des millions de litres de bières de haute fermentation refermentées en bouteille ont été produits dans cette entreprise toujours familiale, six générations après sa création par Martin Belot.
Rencontre avec Xavier Yernaux, maître brasseur.
LMdO : Que de chemin parcouru depuis 1858 !
Xavier Yernaux : Nous avons retrouvé dans nos archives des peintures évoquant la toute première brasserie ouverte par Martin Belot il y a un siècle et demi. A cette époque, chaque village possède sa brasserie. La bière de table est partout dans les foyers. Ce sont des micros brasseries qui produisent des bières basiques pour un marché très local. Il est d’ailleurs étonnant de voir que la boucle est rebouclée puisque les micros brasseries réapparaissent un peu partout. De notre côté nous avons du grandir pour survivre.
LMdO : Où situer la taille de la Brasserie du Bocq dans le contexte brassicole mondial actuel ?
X.Y : Comparativement aux monstres industriels connus du grand public, notre production est plutôt confidentielle. Là où Inbev parle en millions d’hectolitres annuels, nous plafonnons à 100.000 hectolitres. C’est beaucoup plus qu’une micro brasserie mais ça reste modeste. Quoi qu’il en soit, nos produits ne sont pas comparables et la place qui est la nôtre se justifie pleinement.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les grands groupes font souffler un vent favorable sur la profession de brasseur dans la mesure où leur puissance marketing permet au grand public de garder le focus sur les produits brassicoles. La réputation brassicole de la Belgique, on la doit à la qualité des brasseurs et de leurs produits mais aussi à la puissance de communication des grands groupes. Les brasseries moyennes occupent des positions de niche, relativement confidentielles mais qui nous permettent de faire de bons produits typés qui ravissent notre cœur de cible.
Si le Brasserie du Bocq existe toujours, c’est parce que dans les années 70 nous avons opéré un sérieux virage en produisant la Saison Régal qui était produite jusque là à Marbaix. La brasserie a fermé et nous en avons assuré la production. Comme il s’agissait d’une bière refermentée en bouteille, nous avons acquis le savoir faire nécessaire à la production des marques qui font notre réputation aujourd’hui.
Xavier Yernaux : « la salle de brassage, c’est l’âme d’une brasserie ».
LMdO : 100.000 hectolitres annuels, peut-on encore réellement parler de bière artisanale ?
X.Y : La difficulté de notre métier de brasseur, c’est la constance. Garder une bière constante en goût sur le long terme est un challenge pour une structure comme la nôtre. Là où nous assemblons 6 à 7 brassins pour façonner une bière, un industriel en assemblera une centaine. Si certains brassins ne sont pas constants, un industriel les diluera dans la masse produite. Chez nous, ça n’existe pas. La bière doit être parfaite d’un brassin à l’autre. Si nous avons un doute, nous jetons. On essaie que ça n’arrive pas trop souvent mais ça arrive, c’est le métier qui veut ça.
Nous sommes dépendants de beaucoup de fournisseurs en matière première et eux aussi doivent être constants. Nos dégustations quasi quotidiennes sont menées de façon très rigoureuse. Le labo procède aux analyses microbiologiques de façon très scientifique, ensuite nous procédons à des tests gustatifs précis qui sont notés, analysés et débriefés. Si nous constatons des défauts sur un brassin, nous procédons à des rectifications ou nous écartons le lot. Il nous arrive aussi de le faire bloquer, le temps que la refermentation fasse son oeuvre et que nous puissions éventuellement corriger le produit.
LMdO : Est-ce que je peux faire produire ma bière chez vous ?
X.Y : Le travail à façon est courant dans les brasseries. Un cahier de charge, un volume minimum et vous pouvez sortir avec votre production sous le bras. Disons que nos brassins prémiums sont exclusivement réservés à nos marques mais nous sommes en capacité de sortir des bières pour un tiers, sans problème. Nos sept recettes de base nous permettent de décliner 100 produits « maison » si on considère toutes les contenances et les bières fruitées qui sont aromatisées en fin de production. En dehors de ce cadre là, tout est faisable.
LMdO : Les investissements ont été nombreux ces dernières années. La salle de brassage, vous n’y touchez pas ?
X.Y : On a beaucoup modernisé en amont et en aval de la salle de brassage, c’est vrai. L’accueil client aussi a été entièrement repensé. Nos capacités de fermentation et de garde ont été augmentées, nous allons moderniser la salle d’embouteillage, la ligne de soutirage des fûts est entièrement neuve, mais c’est vrai nous ne touchons pas à la salle de brassage qui est dans son jus depuis 1925. La salle de brassage, c’est l’âme d’une brasserie. En réalité, la cuve de brassage a été modernisée au niveau des commandes mais elle est toujours dans sa belle livrée cuivrée qui fait tout le charme de la Brasserie du Bocq. C’est un plaisir à chaque fois renouvelé pour le brasseur de travailler dans cet environnement.
Anne Dothey veille au contrôle qualité de la bière de la Brasserie du Bocq depuis 26 ans. A quelques mois de la retraite, elle nous ouvre les portes de son labo.
LMdO : Quel est votre quotidien ?
Anne Dothey : Les matières premières sont analysées par des laboratoires indépendants. Cela nous permet de contrôler que nos fournisseurs respectent les cahiers de charge établis par les brasseurs du Bocq. Dès que ces matières subissent une transformation dans l’enceinte de la brasserie, le laboratoire intervient pour effectuer une batterie de tests microbiologiques, physicochimiques et sanitaires. Les brassins sont analysés, les cuves de fermentation sont sous constante surveillance afin d’établir si les valeurs cible correspondant aux recettes sont respectées. Nos analyses permettent alors au brasseur de rectifier la recette le cas échéant.
En tant qu’entreprise certifiée Iso 22.000, les contrôles sont très sévères, on ne badine pas avec la sécurité alimentaire. Le nettoyage de l’usine est d’une importance capitale et nos opérateurs sont rodés aux gestes essentiels pour une hygiène parfaite. Un litre de bière vendue nécessite 7 à 8 litres d’eau dont une bonne partie passe dans le processus de nettoyage des installations. Laborantine à la brasserie du Bocq, c’est un travail qui n’est pas si monotone qu’il n’y paraît. Nous nous promenons beaucoup dans l’usine, nous rencontrons souvent le personnel aux différents postes de travail et la dégustation quotidienne nous permet de joindre l’utile à l’agréable. Nous faisons partie intégrante de l’équipe de zytologie (ndl : l’équivalent de l’œnologie rapportée au monde brassicole). Quant à ma retraite, j’ai commencé à planter des vignes … de la zitologie à l’œnologie, il n’y a qu’un pas …
Brasserie du Bocq : le site web.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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