Jérôme Gastaldo : archetier baroque à Bruxelles.
Ils sont rares. C’est un métier sans lequel les violons, violoncelles et la famille des autres instruments à cordes frottées resteraient sans voix. Jérôme Castaldo, archetier baroque à Bruxelles donne le la. Il est spécialisé en archèterie classique et baroque. Sa rencontre avec Bruno Sporcq a été déterminante. A cette époque Jérôme est ébéniste et spécialisé dans la restauration de meubles anciens. Amoureux de la musique, il se construit une viole mais n’a pas les moyens d’un archet à la hauteur de l’instrument. Une semaine durant, Bruno lui explique la façon de faire et Jérôme fabrique son premier archet. Des centaines d’autres suivront.
Jérôme Gastaldo : Cette première expérience dans le monde de l’archèterie n’était qu’un début. Les mois qui ont suivi, j’ai suscité l’intérêt de certains musiciens dont Benoît Douchy et Mira Glodeanu. Je créais des archets et un cercle restreint de musiciens les testaient. Une collaboration est née et j’ai pu m’améliorer grâce à leur expertise. Enfin, je créais des objets, des outils concrets au service des autres alors que dans la restauration je ne faisais que relifter les objets qui m’étaient confiés sans pouvoir laisser libre cours à mon imagination.
LMdO : En quoi est-ce créatif justement d’être archetier ?
JG : La musique ancienne n’a pas laissé de traces ailleurs que sur les partitions. Personne ne sait exactement comment elle était jouée et comment elle sonnait. Nous en faisons des réinterprétations. Le musicien, le facteur, le chef d’orchestre et l’archetier. Chacun de nous apporte sa pierre à l’édifice et contribue à la relecture des pièces anciennes. En ça, nous cherchons sans cesse et nous créons, chacun à notre niveau. Les essences de bois, les formes, les crins, la longueur, le poids, la courbure … tout rentre en compte. L’amourette, le bois de fer, le pernambouc, aucun de ces bois ne sonne de la même manière mais en général c’est le point d’équilibre qui peut faire la différence : pour l’archetier, un des critères principaux dans le choix d’un archet passe par l’équilibre. C’est une évolution permanente, chaque archet est une nouvelle aventure, très intimement liée au musicien et à ses exigences. Même le sens du crin a une importance pour la fabrication de la mèche. Les lignes bougent sans cesse : nous devons aussi nous adapter au type de musique. Dans les années 1780, certains compositeurs écrivent des pièces avec beaucoup de sautillé à la pointe. L’iconographie nous apprend alors que la structure de l’archet change : la hauteur de tête devient plus importante pour lui donner du cambre et pouvoir jouer le sautillé à la pointe.
LMdO : Vous parliez d’iconographie. Comment vous documentez-vous ?
JG : On fait des hypothèses sur un son. Les anciens archets disponibles dans les musées sont évidemment la première source d’information. Habituellement, ils ne sont plus jouables ne fût-ce que par la préciosité de l’objet. Alors on les observe, on les transpose sur plan et on rentre en atelier pour travailler. C’est un travail que je fais très régulièrement avec le Mim à Bruxelles. Encore faut-il trouver les bois. C’est à chaque fois une énigme : le musicien de rue qui devait se fabriquer son archet le faisait avec des bois locaux qui ont parfois disparu. Les musiciens plus riches pouvaient déjà se procurer des archets en bois exotiques mais c’était hors de prix. Certaines peintures en montrent parfois … mais encore une fois, on ne saura jamais comment cette musique était réellement jouée.
C’est une discipline particulière en fait : certains des musiciens que je connais cherchent l’archet parfait, celui qui sublimera leur jeu. Ce qui plaira à l’un pourra handicaper l’autre. Ça vit un archet.
LMdO : Avec le concert en guise de récompense suprême ?
JG : J’adore observer la tête des musiciens qui utilisent mes archets. Bien sur j’écoute l’instrument mais l’expression en dit autant si pas plus. C’est une remise en question à chaque fois et un léger moment de stress mais quand les notes s’enchaînent, c’est du bonheur. Je me mets à observer le jeu et les idées viennent pour encore améliorer l’archet ou pour explorer d’autres voies. Chaque journée passée à l’atelier me pousse un peu plus loin vers l’excellence qu’exige mon métier d’archetier.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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