Guy Delforge, Maître Parfumeur.
« Les Parfums ont mûri lentement dans les Caves du Château des Comtes de Namur, à deux pas de Bruxelles et de Paris, Capitale du Parfum. Tel un secret bien gardé, les Parfums se feront, tour à tour, inviolables, consentants, tentateurs ou réservés… Invitation à la découverte ou simple envie de plaire… Voici vos Parfums… A vous de les apprivoiser ! » Guy Delforge
L’endroit est tout simplement magique ! Surplombant fièrement Namur, l’atelier du parfumeur Guy Delforge est l’atelier de tous les superlatifs. A l’heure où aucun parfumeur industrielle ne vous fera jamais visiter ses ateliers (tant l’écart est violent entre la froideur des installations et l’image glamour acquise à coups de millions d’euros de promotion), Guy Delforge joue la carte opposée : celle de la transparence. C’est que l’ancienne poudrière du 15ème siècle s’y prête parfaitement. A l’instar de la maison Graffé qui bénéficie pour ses vins des qualités indéniables de conservation qu’offrent les casemates, Guy Delforge fait mûrir ses parfums des mois durant à l’abri de l’agitation urbaine de la ville toute proche. Calme et volupté aux portes de la ville, bienvenue dans un univers hors du commun.
Guy Delforge : Début des années 90, j’ai eu la chance de rendre visite à un couple passionné par les huiles essentielles et qui pensait quitter le métier qu’ils exerçaient en plus d’être professeurs. Cette visite de courtoisie s’est transformée en un véritable coup de cœur car deux jours durant les fragrances des huiles m’ont suivi malgré le fait que je n’avais rien ramené de tangible chez moi, le contact avec suffi à m’enivrer pour le reste de ma vie. J’ai donc décidé de reprendre l’activité, par curiosité, un peu « drogué » déjà mais sans trop savoir où cela allait me mener, d’autant que j’avais un métier bien stable dans la finance. A l’instar de De Funes dans La Zizanie, mon activité secondaire a pris une telle place dans ma vie qu’il a fallu prendre des décisions importantes. Quand j’ai transformé ma piscine en laboratoire, mon épouse m’a prié de chercher une localisation plus adaptée à mon activité
LMdO : Et vous avez donc décidé de louer une poudrière abandonnée depuis 10 ans dans laquelle il a fallu tout refaire.
GD : J’aime à penser que ce lieu de guerres et de conflits serve d’écrin à des senteurs subtiles et délicates. Mon obsession, c’est de rapprocher les gens. Construite par les français, achevée par les hollandais, la citadelle symbolise tellement les conflits armés que l’idée d’y retrouver des visiteurs étrangers autour des subtilités des fragrances me plait beaucoup. Mes visiteurs sont des gens ordinaires mais j’ai vu les plus grands de ce monde s’intéresser à mes parfums, mon livre d’or en atteste. C’est un donc un lieu de rassemblement et de cohésion. La parfumerie contribue à la sauvegarde du patrimoine puisque j’ai découvert des galeries en faisant des travaux. Ainsi la salle des orgues et des estagnons était complètement ensevelie à mon arrivée. La citadelle regorge encore de trésors cachés. Graffé Lecocq y fait bonifier ses vins, moi mes parfums mais il reste encore beaucoup à exploiter. Nous ne sommes pas sur la route Merveilleuse pour rien.
LMdO : Vous êtes le seul parfumeur artisanal du Royaume, voire d’Europe. Qu’est-ce qui fait votre spécificité si l’on vous compare aux grandes marques ?
GD : Je ne connais effectivement personne qui soit en mesure de proposer autant de parfums que moi dans un endroit aussi prestigieux. Ma méthode de travail est artisanale. Dans mes flacons, vous ne trouverez jamais d’alcool industriel dérivé du pétrole. Je ne travaille qu’avec de l’alcool de betterave et mes parfums maturent 13 mois avant leur commercialisation, je laisse le temps au temps ce que l’industrie ne fait plus. Les molécules doivent mûrir comme pour un vin.
LMdO : Comment avez-vous appris votre métier ?
GD : C’est mon obstination qui m’a permis d’approcher des parfumeurs indépendants en France qui avaient l’habitude de travailler à façon pour les grandes marques, ce qui ne se fait plus aujourd’hui. Ces nez comme on les appelle travaillaient sur commande selon un cahier de charge. J’avais plus de 45 ans et mon parcours atypique les a séduits. Les essais personnels ont fait le reste. Avec mes 500 estagnons de base les combinaisons sont infinies même si mon orgue à huiles essentiels est plus petit que celui d’un industriel. J’ai quand même 38 compositions commercialisées à ce jour et une série d’autre en cours d’élaboration.
LMdO : C’est quoi un bon parfum ?
GD : C’est d’abord une question de goût. En ce sens, il n’y a pas de mauvais parfum, c’est la clientèle qui en fait un succès ou pas. C’est plutôt sur sa robustesse qu’il y a des nuances à apporter. La combinaison des huiles essentielles et de l’alcool provoque un tas de réactions chimiques : la difficulté, c’est de stabiliser tout cela dans le temps, d’éviter les virages malheureux qui dénaturent le produit. Et pour cela, il n’y a qu’une seule solution : le temps ! Chaque nouvelle fragrance est ainsi testée des mois durant pour s’assurer de sa tenue. Le rythme des saisons est important, le type de peau aussi. Un parfum doit se comporter de façon stable en toutes circonstances.
LMdO : Le parfum, c’est du rêve, des slogans, un packaging design, beaucoup de marketing et bien souvent des millions d’euros engouffrés dans des campagnes publicitaires. Comment vous situez-vous dans tout cela en tant que petite unité de production ?
GD : Dès le départ j’ai compris que je ne pourrais jamais chasser sur les terres des grands groupes. Leurs moyens sont colossaux. Je me suis démarqué en proposant un produit artisanal de qualité, fabriqué à l’ancienne dans un endroit prestigieux. Mon packaging est unique pour mes différents parfums, ma publicité inexistante en tant que telle. Mon rapport qualité-prix fait le reste. Mes eaux de parfums n’ayant rien à envier aux grandes marques, je les concentre plus et pratique des prix moindre. A l’arrivée, je suis jusqu’à 4 fois moins cher que la concurrence. Internet a par ailleurs complètement révolutionné ma méthode de commercialisation puisque j’ai pu me passer de la grande distribution et m’adresser directement à mes clients.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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