Siegfried De Buck Orfèvre à Gand.
Créée en 1972 à Gand, la galerie S&H De Buck présente des œuvres contemporaines d’artistes belges et étrangers engagés dans différentes formes d’expression : peinture, sculpture, photographie, vidéo, multimédia, arts décoratifs. Les bijoux contemporains et les objets en argent de la main de Siegfried De Buck, le maître et orfèvre des lieux avec son épouse, y sont exposés en permanence. Dans l’arrière-cour de la belle demeure et de la galerie, l’atelier de Siegfried résonne du cliquetis des outils qui façonnent le métal. C’est là qu’il nous ouvre les portes de son univers créatif.
La valeur allait quitter le champ de la noblesse des matériaux pour se loger dans le design, dans la ligne.
Dans les années 60, les parents de Siegfried ne savent plus trop quoi faire de leur turbulent gamin. Le jeune Siegfried rejoint finalement les bancs de l’école de bijouterie de l’I.A.T.A encore implantée à Maredsous en 1965. Il termine son cursus en France à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg en 1970. Ambiances monacales, rigueur et traditions. Il n’en faudra pas plus dans les années qui suivront pour donner l’envie au jeune orfèvre de casser tous les codes. Pour De Buck, la matière devient secondaire. Le style prime. Les bijoux contemporains allaient permettre à toute une génération de s’exprimer et de sortir de la routine imposée en joaillerie traditionnelle axée jusque là sur la copie des modèles du 18ème siècle. La valeur allait quitter le champ de la noblesse des matériaux pour se loger dans le design, dans la ligne. Le bijou allait devenir sculpture, objet de communication, objet corporel à l’instar du bijou ethnique, du tatouage et de la peinture sur corps. La valeur n’est plus dans le matériau mais dans la forme.
Quarante années plus tard, la démarche du créateur n’a pas changé. Pour Siegfried, l’objet n’est pas un accessoire, il fait partie de la personnalité intrinsèque de son propriétaire et ce, même si le créateur n’a jamais été mis en contact direct avec cette personne. Son choix est une démarche.
Dans notre société, on s’identifie beaucoup à travers les marques, c’est parfois devenu une religion. Le port d’un bijou contemporain est un acte identitaire beaucoup plus fort, beaucoup plus intense. Ce n’est d’ailleurs pas nécessairement lié à son côté unique car, fabriqué en série, il peut devenir iconique. Andy Warhol l’avait très bien compris. Le cycle de la vie d’un objet peut d’ailleurs passer par différentes étapes. De populaire, il peut se hisser au rang d’icône, quand par exemple sa production est stoppée et que la raréfaction fait son oeuvre. La coccinelle de Volkswagen est un très bon exemple.
Ces objets doivent aussi parfois se faire discrets pour sortir de l’oubli ou du manque d’intérêt qu’ils ont suscité du vivant des artistes. C’est l’apanage des visionnaires, à l’instar des primitifs flamands qui ne valaient pas un clou jusqu’au début du 20ème siècle. Il a fallu plusieurs générations pour en prendre conscience. Le temps est l’allié le plus précieux des créateurs.
L’objet unique, malgré toutes ses qualités, a le défaut de sa rareté, de sa difficulté à être accessible. Il est la propriété d’une seule personne. Si De Buck peut créer une exposition complète autour de pièces uniques, on peut faire une lecture transversale de son oeuvre pour la rendre identitaire et publique. Un style. N’ayant jamais eu l’idée de faire des séries, même modestes, la présidence de la Belgique à la Commission Européenne va changer la donne. Le cahier de charge est simple : créer un objet représentatif de la Belgique qui sera offert pendant la présidence. Le projet ira jusqu’à son terme en matière de création mais la chancellerie annulera la commande en dernière minute au profit du Val Saint Lambert. Siegfried va donc, malgré lui, se retrouver à devoir gérer plusieurs pièces identiques, ce qui n’était jamais arrivé.
Les boîtes à pralines imaginées dans l’atelier gantois trouveront rapidement acquéreur, au point qu’elles sont toujours disponibles sur commande. La gamme s’est enrichie d’autres objets très prestigieux d’art de la table (couverts, théières, bonbonnières), faisant de Siegfried De Buck un créateur unique en Belgique, capable d’habiller les plus belles tables comme de parer les plus belles femmes des bijoux les plus étonnants : Twins, Newton, Amfibie, Boon, Icarus, Lagoon, autant de noms qui évoquent les courbes, les angles, brillances et nous invitent au voyage.
Le voyage dans l’imaginaire de l’orfèvre gantois ne s’arrête pas là puisqu’au détour de l’atelier trône une imprimante 3D. C’est que l’homme est souvent là où l’on ne l’attend pas : cette technologie vouée à la copie, à la reproduction de pièces, il entend bien la mettre à profit à sa manière : de façon embryonnaire et cellulaire, créant l’oeuvre unique, de l’intérieur, par l’ajout de matière. Sans oublier de détruire les matrices numériques susceptibles de donner à l’objet son caractère reproductible.
Avant de quitter l’atelier, un passage par la galerie s’impose. Aux dizaines de créations uniques de bijoux contemporains répondent des objets inattendus comme cette petite collection de cannes objets créée dans les années 90. Ici encore l’artiste étonne en n’hésitant pas à intégrer un GPS dans la canne du marcheur qui s’aventurera sur le terrain avec cet objet unique sorti de l’atelier gantois. Au détour d’une vitrine, une broche attire l’attention du visiteur. Ce bijou olfactif a été imaginé pour y introduire des grains de café et utiliser ses fragrances à la manière d’un parfum : une façon de briser la zone de sécurité émotionnelle de la personne qui portera le bijou. Marier l’or et le plexiglas, les poils d’éléphants et le caoutchouc, créer une bague dont le diamant est presque invisible au premier regard, on le voit, Siegfried De Buck n’hésite jamais à casser les codes.
Spécialiste des ateliers depuis une dizaine d’années, Patrice Niset vous emmène au cœur de l’excellence et des beaux gestes. Il vous fait découvrir l’envers du décor. Patrice est passionné par les gens passionnés et fiers de leurs métiers !
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